« Une peinture métaphysique »

De Jean DE BENGY, Inspecteur général de la création artistique au Ministère de la culture, France, 2003

Métaphysique est le mot qui vient à l'esprit en regardant les travaux de Beate Renner.
Au sens littéral d'abord du terme, car cette nature qu'elle utilise comme sujet trouve, grâce à sa touche picturale, une autre définition, un physique différent ; elle se voit projetée dans un autre univers, où semblable à elle-même, elle emprunte formes et couleurs à une autre notion de l'espace.
Tout dans ses toiles n'est que reflet d'une réalité mais d'infimes déplacements, de minuscules mutations, des variances infimes, opèrent une modification globale bouleversant l'aspect même du réel pour le conduire vers un certain aspect de l'inconnu, du permanent et jamais perçu, de l'immédiat et cependant lointain, de l'apparent bien qu'invisible.

Il n'est pas étonnant que Beate E. Renner aime jouer de l'inversion du sens de sa toile, le haut devient le bas, les vagues nuages, les arbres racines dans l'eau, car ils ne sont ni les uns ni les autres, mais le tout en même temps ; d'impossible cette nature devient improbable, et donc pensée possible, probable, au sens de la réflexion, de l'interrogation sur la réalité du monde, sur la qualité du regard, sur la vérité de la représentation, sur l'éternelle question de l'objet et du sujet, le modèle et l'oeuvre se trouvent ainsi mis en question, une fois de plus, mais avec quelle discrétion et quelle pertinence.
Se laisse alors deviner la possibilité de découvertes infinies, d'explorations troublantes à travers un voyage immobile dans un espace clos où la peinture ouvre des voies vertigineuses.

Métaphysique, au sens philosophique du terme aussi, car cette nature, ainsi présente, dont nous venons et dont nous sommes, reste malgré et, chaque jour un peu plus, à cause des cheminements de la science, mystère et interrogation.
Le jeu, infiniment subtil de Beate Renner entre ouvertures et fermetures, espaces clos et ouverts, propose d'autres moyens d'investigation, un matériel entièrement nouveau ; celui du physicien ou du chimiste ne se contentant pas de son appareillage mais inventant une méthode inconnue jusque là, permettant une autre approche, modifiant le regard sur l'immédiat, offrant le bonheur et l'appréhension de l'absolue nouveauté.
Toute connaissance nouvelle est faite de manipulations, de brutalités, de destructions ¬ l'art de Beate E. Renner procède avec une délicatesse aérienne. Là réside peut-être le secret d'une réussite ; que des modifications si violentes soient nées de l'attention extrême, du respect le plus attentif à l'égard de la fragilité. Ces formes d'action, proches du silence et de l'absence sont ainsi emplies d'une rare éloquence et d'une absolue présence.